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Assemblage
de matériaux de récupération
Art
Singulier
Récupérer,
recycler, réutiliser.
Collecter, glaner, amasser.
Trier, ordonner, sélectionner.
Collectionner, accumuler, entasser.
Assembler, lier, bricoler.
Manipuler, toucher, composer.
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Sophie
NOEL est une artiste autodidacte singulière. Parce que ses assemblages
possèdent une puissance d'évocation naturelle absolument
saisissante. Une artiste ? Sincèrement et sans fausse modestie,
elle préfère dire bricoleuse. Parce qu’elle utilise
de vieux chiffons, des parties d’objets, du fil de fer rouillé
pour nouer ou coudre ses morceaux. Morceaux éparpillés,
pièces de tissus, bouts de ficelles et bouts de chandelles, portions
incongrues, matière inerte qu’elle a commencé à
ramasser au gré de ses balades sur les plages normandes…
Elle compare ces débris aux vieilles souffrances, aux cicatrices
que l’on voudrait voir disparaître à tout jamais et
qui refont surface, comme la mer ramène les épaves oubliées
sur la grève, à l’image de la vie qui fait souvent
réapparaître des “fantômes”. Pour elle,
ce sont «des trésors sauvés des flots». Sophie
NOEL a d’ailleurs signé une installation qui rend hommage
à son élément préféré "mer
nourricière".
Elle vous dira qu’un voyage en Afrique a bouleversé sa vie.
Depuis, elle s’est reconstruite mais cherche encore partout des
fragments épars, témoins de l'usure du temps, à ranimer.
Récupérer est devenu son mode de fonctionnement. Car cette
phase de collecte est primordiale : c’est une affaire de goût,
de choix, une question de regard et sans doute un premier geste artistique.
Assembler c’est mettre en relation, provoquer des rencontres, communiquer…
comme en écho à son ancien métier.
Retrouvant la fréquence avec l'enfance, Sophie tâtonne, s’amuse
à rapprocher les débris, les rassemble et les assemble «
comme ça vient ». Sans se poser de questions, elle coud,
cloute et colle, branche et bricole, épingle et peint, arrange
finalement le tout "à l'africaine" ! « Je ne suis
pas dans la précision et le travail bien fait. Je préfère
une couture irrégulière par exemple ». Parce que l’art
n’est pas la recherche de la perfection. Parce que c’est ennuyeux
la perfection. Travailler avec des objets abîmés et rejetés,
c’est brut, mystérieux, spontané, c’est une
manière de parler du passé refoulé et de la souffrance
universelle des femmes. Parler du destin de Saartjie Baartman, la Vénus
Hottentote, exhibée comme un phénomène de foire dans
l’occident du XIXe siècle, de Frida Kahlo, martyrisée
dans sa chair par accident, par amour aussi, d’une mariée
soumise ayant perdu la moitié d’elle-même, de cette
mère assassinée au Rwanda lors du génocide ethnique.
Ces femmes revenues de l’enfer, pétrifiées dans leur
douleur, hurlent en silence. Elles dénoncent la barbarie, le racisme,
le machisme destructeur.
Sous les doigts agiles de Sophie NOEL et la patine originelle des matériaux
récupérés, ces figures disloquées, porteuses
de lourds stigmates, reprennent vie, se relèvent et nous interrogent
en face. Avec sa tribu de femmes muettes mais toujours debout, Sophie
« la bricoleuse » fait sobrement œuvre de résistance.
Parce qu’à travers sa propre résilience, elle ouvre
un horizon sur nos existences naufragées. « C’est bien
de sauvetage et de reconstruction dont je parle dans mes assemblages ».
D’une vie nouvelle, tout simplement.
Lyon, octobre 2013
Didier ROUGEYRON, auteur
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